Un peu d’histoire :
Des quatre couvents-forteresses, celui de Sourian, des Syriens, s’étend à hauteur du lac Fazda dans le célèbre désert du Wadi Natroun au nord-ouest de l’Égypte. À l’origine le monastère était copte, fondé entre le IV et V ème siècle par les moines qui vivaient dans des cellules autour du monastère d’Anba Bishoï situé seulement à 500m. Afin de s’abriter des attaques bédouines, les moines finirent par construire des donjons et des murs fortifiés pour entourer l’église dédiée à la Vierge, El Adra, dont la première appellation attestée fut : le monastère de la Théodokos dans le domaine d’Anba Bishoï. Le domaine, terme habituellement utilisé en Égypte antique pour désigner, en ce qui concerne la religion, les biens rattachés à une divinité (le temple, les servants, les troupeaux, les terres, les bateaux, les objets cultuels, les trésors, etc.).
Parmi les renseignements fournis par trois documents dont Evelyn White en a fait l’étude, il ressort que le monastère a été « passé » et non vendu aux Syriens grâce à l’intervention de commerçants de Tagrit pour la forte somme de 12 000 dinars. Aucun acte de vente au sens propre n’a été établi, seulement que le Deir est devenu une fondation jacobite.
Dans le manuscrit syriaque de Paris et malgré les obscurités du texte, on apprend la raison principale de ce « passage » urgent pour lequel les Syriaques éparpillés devaient trouver rapidement un lieu isolé pour se rassembler. Les moines Syriens pourchassés par les Turcs et plus tard par les Mongols devaient être mis à l’abri. Le choix du désert Wadi Natroun et du désert de Scété plus au nord, berceau du monachisme offrait l’idéal en termes de tertre sacré. Déjà au IVe siècle, deux disciples d’Abou Macaire étaient syriens, originaire de Lydda puis au siècle suivant Cyprien de Beth Magousha ; au VIe siècle Jean Moschos y rencontra Jean d’Apamée qui vécut 37 ans au wadi Natroun. L’influence spirituelle des moines syriens sur les Égyptiens se retrouve jusque dans le choix de deux patriarches d’Alexandrie : Damien, moine syrien du couvent Jean-le-petit et Simon 1er moine syrien de l’Enaton. Officiellement c’est en 851/859 que se trouve officialisé « le monastère de la Mère de Dieu des Syriens qui est dans le désert d’Égypte. »
Les chroniqueurs font émerger dans l’histoire la forte personnalité de Moise de Nisibe. Abbé vers 906, il combattit les injustices en arrivant à soustraire le monastère des lourds impôts, ce qui permit d’embellir le monastère. Cet homme cultivé, intellectuel va enrichir la bibliothèque du monastère de manuscrits précieux qui seront comme au temps des scribes pharaoniques, recopiés dans l’idée de transmission du savoir et des connaissances, pour être distribués aux autres monastères. Moïse de Nisibe crée un véritable conservatoire de l’art copte et de l’art chrétien de Syrie en embellissant l’église de la Vierge de décors peints sur les murs. La présence de moines de Syrie-Mésopotamie chrétienne va apporter de grand changement culturel et artistique jusqu’au XVII -ème siècle. Le Deir el Souriani profitera en 977 de largesse et de protection, Ephren, un syrien laïc, un riche marchand devenu patriarche d’Alexandrie.
Selon une légende, le monastère a été construit comme une arche de Noé. Il aura durant des siècles, accueilli des moines syriens, mais également de toutes nationalités. Un lieu qui s’enrichissait malgré quelques querelles internes ! Copte et syrien jacobite ayant leur église dans la même enceinte, les chamailleries s’éteignirent avec le manque d’effectif. Vers 1516, il ne restait plus que 43 moines : 18 syriens et 25 égyptiens. Les syriens finirent par abandonner le couvent au copte, aujourd’hui dirigé par un évêque. De nombreux visiteurs et touristes viennent régulièrement rencontrer les moines. Beaucoup arrivent par autocars pour les grandes fêtes liturgiques de l’année copte. Les moines ont acquis des terres pour la culture et l’élevage et la pisciculture dans des étangs. Leur mode de vie, basée sur l’amour du Christ, la discipline cénobitique et le respect de la nature n’est pas sans rappeler le mode de vie des anciens : se rendre utile par la prière et les activités pour servir Dieu et les hommes.
En 1954, Don Pierre Minard, moine de l’abbaye de Ligugé est venu en ce lieu et porte ce témoignage. Les moines observent les règles en grande fraternité. Une aide importante est apportée aux jeunes. Les travaux sont coordonnés, l’instruction des Écritures est enrichie des apophtegmes des Pères du désert. L’office est rythmé par un moine aveugle (comme au temps de pharaon dans les temples). Rien ne ressemble à un office strict : ni place ni rubrique précises, les solistes chantent en partie improvisée accompagné du triangle et de la cymbale. L’atmosphère de prière est profonde pourtant spontanéité et liberté du mouvement sont de règle du renouveau spirituel de ce monastère réformé. Il ajoute : « ce qui m’a frappé chez les jeunes, c’est le désir de l’Union au Christ le chemin de l’amour qui s’exprime par la prière du cœur et pour laquelle tout le reste n’est que moyen secondaire. J’ai senti palpiter un idéal très pur et exigeant de vie monastique selon l’Évangile même si les expressions extérieures peuvent nous dérouter et nous dépayser au premier abord. »
Description :
Derrière la haute muraille, des palmiers balayent la poussière arrivant du désert salé protégeant les cellules adossées le long des murs. On pénètre dans l’enceinte par une porte percée dans la partie ouest donnant sur une avant cour. Une autre ouverture se situe au-dessus du réfectoire d’où le portier pouvait faire descendre un panier de provisions à qui réclamait à manger. On retrouve les mêmes éléments architecturaux que dans les autres monastères, à savoir : un donjon auquel on accède par un pont-levis en bois. Haut de 18 m, il comprend un sous-sol et trois étages. Plusieurs pièces secrètes servaient à dissimuler des livres et objets précieux ainsi que des réserves alimentaires en cas d’attaque.
En plus du réfectoire et des ateliers, on trouvera une boulangerie où le pain est cuit une fois par semaine ; un moulin ainsi qu’un puits où l’eau ne tarit jamais. À l’est un jardin vient agrémenter un espace entre les cellules. Une bibliothèque contenant environ 3000 ouvrages manuscrits en copte, arabe, syriaque et éthiopien. En 1842 l’anglais Tattam emporta 1 millier de manuscrits pour le british muséum !
Un tamarinier fait toujours parler de lui : l’arbre d’Éphrem. Un sage que les moines taquinaient parce qu’il se tenait toujours appuyé sur un bâton finit par agacer le vieil homme qui leur demanda de planter le bâton dans le sol en disant : « Si son usage est dû à ma faiblesse, qu’il bourgeonne ! » C’était en 370, le tamarinier vit toujours, mesurant (en 1994) 2,57 m de circonférence.
Autre curiosité que l’on peut encore voir, le musée exposant divers objets et icônes anciennes ainsi qu’un plateau de marbre rapporté par des moines nubiens contenant une inscription grecque et nubienne : George de Nubie monté sur le trône en 1130 et mort en 1158.
La laure de St Bichoï : cette étroite cellule contien tune chaine à laquelle le saint homme s’attachait les cheveux lors des longues nuits de prière. Il rejoignait par un souterrain le monastère qui porte son nom situé à 500 m.
Le monastère abrite quatre églises : El Adra, Quarante martyrs de Sebaste, Sitt Maryam où se font les offices l’hiver et celle de Mar Maroutha et d’Abou Honnès. L’église St Jean a disparu.
Un tertre sacré : L’église El Adra
L’église de la Vierge Marie est un lieu de présence de la Théotokos par le décor et l’ambiance mystique qui imprègne le visiteur.
Tout en longueur (27 m) pour y accueillir un maximum de fidèles lors des grandes cérémonies et processions. L’entrée se trouve sous un porche carré surmonté d’une coupole sur trompes en stalactites. Deux textes attirent l’attention : l’un sous la voute d’entrée en grec est la prière « Je vous salue Marie » et le deuxième sur le bord de la cavité en syriaque : Gloire à Dieu dans le ciel et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté !
L’architecture de l’église de la Vierge Marie est caractérisée par trois Haïkal, précédés d’un cœur transversal et leurs trois nefs, une centrale et les deux autres sur les côtés, toutes trois réservés aux fidèles. La particularité décorative de cette église se trouve dans l’évocation picturale de l’Annonciation et la Nativité faisant face à la Dormition, l’Ascension se trouvant sur la conque près de la porte ouest.
La Dormition ou Assomption.
Ce tableau peint raconte la mort de la Sainte mère du Christ telle une histoire emplie d’émotions et de tendresse de la part des assistants. Le récit d’origine du IIIe siècle fait suite à des faits miraculeux qui au fils des ans étaient lus aux moines. St Jean Damascène en faisait état dans ses homélies. Cette représentation est unique en Égypte.
Le tableau représente le corps de la Vierge Marie, les yeux fermés, sur un lit funèbre occupant la majorité du centre, au-dessus d’elle le Christ domine tenant l’âme de sa mère entre les mains comme un très jeune enfant emmailloté d’un linge immaculé de blancheur. Puis au-dessus d’eux se tiennent deux anges qui soutenaient l’âme montée au ciel, mais aujourd’hui disparue. De chaque côté du lit sont disposés les apôtres. Suivant le canon figuratif égyptien, le ciel est représenté par un ciel bleu sombre étoilé et le sol est de couleur verte.
La Vierge qui est représentée de côté porte une robe bleue et un manteau pourpre. Elle repose sur une couverture frangée parsemée étrangement de lys. On remarquera que le peintre a laissé apparents les pieds de couleur rouge. Le Christ est représenté de face à mi-corps comme Pantocrator Byzantin, les cheveux séparés par une raie ; il porte une courte barbe.
De chaque côté du lit funèbre se tiennent 6 apôtres donnant de l’animation à ce tableau. À droite Pierre se tenant la barbe est suivi de 5 hommes dont le jeu de mains porte des interrogations. À gauche un apôtre tient les pieds de la Vierge entre ses mains. Cette scène attendrissante est d’une grande émotion qui se lit sur le visage et l’attitude des 5 autres personnages qui le suivent.
Les gestes, les couleurs des vêtements, l’expression des visages n’est pas s’en rappeler les scènes des tombes de l’Egypte Antique. Un tableau est d’abord une image vivante qui rappelle un évènement auquel le spectateur est invité à participer.
La présence de la vierge Marie dans les églises d’Égypte tient une place de choix en rapport avec le voyage de la Sainte Famille qui est venue en ce pays et surtout en ce lieu du désert du wadi natrum que Jésus et sa mère ont béni suivant les dire du patriarche Théophile.
La beauté des décors des autres tableaux que sont l’Annonciation, la Nativité et l’Ascension transporte le visiteur au plus près d’une réalité artistique donnant à l’image, un mouvement qui entraine au désir d’écouter la Parole. L’Egypte mystérieuse, mystique restera, sebayt, la maitresse d’une éducation religieuse sachant parler avec des images au cœur des hommes.
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